Le musicien cubain Emilio Frías, membre actif de la société secrète Abakuá, a fourni une explication sincère et révélatrice sur les raisons pour lesquelles les membres de cette ancienne confrérie masculine ne se sont pas soulevés contre le régime castriste.
Lors d'une conversation avec l'actrice Claudia Valdés, Frías a abordé un sujet qui a suscité de nombreuses interrogations au sein de la diaspora cubaine et sur l'île : pourquoi les abakuás, connus pour leur fort code de fraternité et d'honneur, ne se rebellent-ils pas ouvertement contre le régime ?
"Les abakuás ne sont pas des super-héros", a affirmé.
Le leader du groupe El Niño y La Verdad a déconstruit l'idée selon laquelle cette société religieuse - dont les racines remontent aux traditions africaines amenées à Cuba par des esclaves du Calabar - aurait une quelconque obligation politique ou révolutionnaire dans le contexte actuel.
"Ce n'est pas une question des abakuás, des babalawos ou des chrétiens, c'est une question de tous. Parce que quand les abakuás sortiront, combien sont-ils, 100 ? On enfermera les 100. Et ce qui se passera, c'est qu'il y aura 100 abakuás en prison, et tout le monde dehors dira : 'Tu as vu ce que les abakuás ont fait ?' Mais il ne se passera rien", a-t-il détaillé.
Religion, pas politique
Frías a insisté sur le fait que les abakuás ne se définissent pas par un rôle politique, mais par un mode de vie basé sur la loyauté, le respect, la discipline et la protection des siens.
« Notre religion n'a rien à voir avec la politique. Elle concerne les concepts fondamentaux de l'homme, et l'homme doit protéger sa famille. C'est la base fondamentale d'un homme, au-delà - hélas - de sa patrie ou de son pays », a-t-il assuré.
Dans ce sens, l'artiste a souligné que chaque individu, qu'il soit abakuá ou non, doit prendre conscience de la réalité du pays selon son propre raisonnement moral. "Ces sentiments de patriotisme, d'indépendance, naissent chez les personnes, qu'elles soient abakuás ou non", a-t-il exprimé.
Frías a également déploré les procès et les exigences qui pèsent sur les membres de cette confrérie.
“Beaucoup de gens sont blessants à ce sujet. Ils disent : 'Regarde, il y a des abakuás et personne ne fait rien'”, a-t-il dit. “Mais ce sont des abakuás, ce ne sont pas des Batman. Si un abakuá sort pour protester, ils vont lui faire la même chose qu'à tous, qu'il soit abakuá ou non.”
La force des codes
Pour Frías, être abakuá n'est pas une condition qui confère des privilèges ni des pouvoirs surnaturels.
« L'abakuá ne te donne ni une armure ni des pouvoirs. L'abakuá est une conduite de vie que tu dois adopter avec respect et suivre les codes », a-t-il expliqué.
Il ajouta que, si ces codes incitent l'individu à agir face à une injustice, c'est admirable, mais ce n'est pas une obligation collective.
"Si ces codes te conduisent à avoir le raisonnement que tu ne peux pas permettre ce qui se passe dans ton pays, tu es une belle personne qui, de plus, est abakuá," conclut-elle.
Réclamant les ñáñigos
Ce n'est pas la première fois qu'Emilio Frías s'exprime publiquement pour briser les stigmates qui entourent les abakuás, également connus sous le nom de ñáñigos.
En janvier de cette année, il a publié une réflexion sur ses réseaux sociaux où il a démenti plusieurs préjugés qui associent à tort cette fraternité à la violence ou à la marginalité.
Être abakuá, ce n'est pas être un problématique ou un conflictuel, ce n'est pas être armé, ni faire preuve de supériorité face à d'autres hommes", a-t-il écrit. "Être abakuá, c'est être un homme intègre devant la société, un bon père, un bon fils, un bon écobio, et même un bon ennemi".
Le musicien a rappelé que depuis sa jeunesse, il est lié à cette tradition ancestrale, participant à des réunions religieuses dans des quartiers à forte tradition ñáñiga comme Los Pocitos, Pogolotti, Regla et Guanabacoa, entre autres.
Né dans cette culture mal vue par beaucoup et aimée et respectée par d'autres, j'ai parcouru presque tous les coins de Cuba", a-t-il déclaré.
Dans ses mots, la véritable essence d'un abakuá réside dans son comportement éthique : "Être abakuá n'est pas un titre que l'on peut accrocher au mur... abakuá ce sont des hommes libres et de bonnes moeurs, un exemple d'humanité face à la société".
Entre la loyauté et la survie
Les déclarations d'Emilio Frías ouvrent une fenêtre honnête sur les tensions que vivent les membres de cette société secrète face aux attentes sociales, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de Cuba.
Dans un contexte où l'on exige de plus en plus un positionnement politique des figures publiques et religieuses, Frías plaide pour une compréhension plus approfondie du dilemme existentiel auquel font face de nombreux Cubains : comment concilier le devoir envers la patrie sans mettre en danger sa famille ?
Avec un discours direct, le chanteur met sur la table une réalité inconfortable : dans une dictature, la valeur individuelle peut être admirable, mais elle est rarement suffisante.
Son appel, en définitive, n'est pas au silence, mais à la compréhension.
Questions fréquentes sur les abakuás et leur position face au régime cubain
Pourquoi les abakuás ne se révoltent-ils pas contre le régime cubain ?
Les abakuás ne se révoltent pas contre le régime cubain car ils ne sont pas définis par un rôle politique, mais par un mode de vie basé sur la loyauté, le respect et la protection des leurs. Emilio Frías explique que sa religion n'a rien à voir avec la politique, mais avec les concepts fondamentaux de l'homme qui doit protéger sa famille. La société abakuá cherche à maintenir la dignité sans se considérer comme responsables d'un changement politique.
Quelle est la véritable essence d'être abakuá selon Emilio Frías ?
La véritable essence d'être abakuá, selon Emilio Frías, réside dans le comportement éthique et l'intégrité vis-à-vis de la société. Être abakuá implique d'être un homme intègre, un bon père, un bon fils et un exemple de virilité, et non un individu conflictuel ou armé. Frías souligne qu'être abakuá est une conduite de vie qui se prend avec respect pour ses codes et valeurs.
Que pense Emilio Frías des attentes sociales envers les abakuás ?
Emilio Frías estime que les attentes sociales envers les abakuás sont injustes et basées sur des stigmates. Il souligne que de nombreuses personnes s'attendent à ce que les abakuás agissent comme des super-héros, mais il insiste sur le fait qu'ils ne sont que des hommes cherchant à protéger leur famille et à préserver leur dignité. Frías défend que chaque individu, qu'il soit abakuá ou non, doit prendre des décisions en fonction de son raisonnement moral personnel.
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