Nouvelle attaque du régime contre les entreprises privées à Cuba

Entre les entrepreneurs de l'île circule un document signé par Manuel Marrero qui autorise des membres du Parti Communiste à inspecter de grandes entreprises privées à la recherche de "liens" avec des entreprises d'État et de fraudes dans les contrats et les paiements. Le PCC disposera de fonctionnaires du pouvoir législatif et judiciaire, ce qui est inadmissible dans une démocratie

À gauche, le Premier ministre Manuel MarreroPhoto © Radio Habana Cuba

Vidéos associées :

Le régime cubain se préparerait à une nouvelle attaque contre les entreprises privées sur l'île. Celle-ci devrait avoir lieu du 1er au 30 mars 2025 et ciblerait particulièrement les grandes entreprises du secteur non étatique. C'est ce qu'indique un document signé par le Premier ministre, Manuel Marrero, le 19 février, qui circule parmi les entrepreneurs de l'île et auquel a eu accès CiberCuba.

Bien que l'opération soit "vendue" comme une tentative de "continuer à organiser les relations entre les entreprises d'État et les formes de gestion non étatiques (FGNE)", il s'agit en réalité d'un ordre émanant de l'Exécutif à l'intention des cadres du Parti Communiste, leur demandant de mener des inspections des opérations de passation de marchés et de paiement entre les entreprises privées et publiques à la recherche de "distorsions".

Pour exercer ce contrôle, la formation politique (PCC) pourra "s'assister" de "fonctionnaires des Assemblées municipales et provinciales ; de l'Administration municipale, de juristes, de contrôleurs, d'auditeurs et d'autres spécialistes". En d'autres termes, le Parti Communiste a à sa disposition les pouvoirs législatif et judiciaire, ce qui est totalement interdit en démocratie, où l'on veille à la séparation des pouvoirs.

Face à ce nouveau harcèlement qui se profilerait contre l'entreprise privée, le Premier ministre, signataire de l'ordre, l'appelle (du moins dans le document qui circule parmi les entrepreneurs) "Exercice National de Prévention et de Lutte contre le Crime, la Corruption, les Illégalités et les Indisciplines Sociales", que la direction du régime considère comme acquis, existant entre les formes de gestion étatiques et non étatiques.

Cette 'opération' contre les grands entrepreneurs privés cubains, en prétendue connivence avec des entreprises d'État, commencerait par rechercher "des relations de familiarité possibles entre les entités publiques et privées". L'opération du PCC viserait à détecter "des irrationalités, ainsi que de possibles illégalités dans les paiements, qu'il s'agisse de paiements inférieurs, excessifs ou pour des travaux non réalisés, de mauvaise qualité ou d'autres raisons qui ne les justifient pas".

Les cadres du PCC agiront, en principe, par paires et devront contrôler les locations de locaux ou de véhicules à des privés, incluant les paiements pour ceux-ci qui ne sont pas justifiés ou qui ne correspondent pas aux coûts réels, les écarts d'utilisation par rapport à ce qui a été approuvé lors de la contractualisation, les dépenses d'électricité, d'eau et d'autres services, le respect des relations d'affaires prévues, l'observation des politiques et des normes juridiques approuvées, l'utilisation des organes collégiaux pour approuver les contrats et les paiements, et préciser dans tous les cas que celui qui décide ne négocie pas", indique textuellement le document.

L'idée est de commencer par réprouver les grandes entreprises, cherchant ensuite à "généraliser" cette pratique. Il avertit également de deux scénarios à prévenir : d'abord, faire en sorte que les grands entrepreneurs privés ne justifient pas leurs actions en s'appuyant sur "de petits favours ou services à la communauté". Ensuite, mener à bien l'opération en coordonnant avec le Parti Communiste une stratégie de communication "appropriée" pour contrer les critiques qui arriveront probablement de "campagnes ennemies", en référence à la presse indépendante.

Le document signé par le Premier ministre Manuel Marrero précise que face à tout indice de "faits graves", les responsables du PCC doivent transmettre le dossier au Minint, au parquet ou à la Contraloria. De plus, ils ont l'instruction d'informer les travailleurs des résultats de l'inspection, là où elle a lieu.

En essence, les commissions du Parti Communiste auront le pouvoir d'interroger des dirigeants et des fonctionnaires administratifs, puis pourront présenter les conclusions de leurs inspections en avril, après avoir envoyé un rapport au Département de Prévention et de Lutte contre la Criminalité, qui relève du Premier ministre.

En décembre 2024, le Parti communiste de Cuba a porté un nouveau coup à l'initiative privée sur l'île après que le Journal officiel de la République (Numéro 119) ait publié une résolution (56) de la ministre du Commerce intérieur, Betsy Díaz Velázquez, qui a annulé d'office les licences pour exercer l'activité de gros, émises à des micro, petites et moyennes entreprises privées ainsi qu'à des coopératives non agricoles qui l'avaient approuvée comme activité secondaire dans leur objet social.

La mesure, entrée en vigueur le 5 décembre, a été prise, soi-disant "pour réguler" le commerce de gros et de détail dans le cadre de l'initiative privée. Cependant, dans les faits, des "alliances de travail entre acteurs économiques étatiques et non étatiques" ont été imposées. Autrement dit, les privés doivent accepter l'État en tant qu'intermédiaire dans l'achat de marchandises, sinon il n'y a pas de business. Trois mois plus tard, un document circule annonçant un nouveau tour de vis pour l'activité privée.

Archivé dans :

Tania Costa

(La Havane, 1973) vit en Espagne. Elle a dirigé le journal espagnol El Faro de Melilla et FaroTV Melilla. Elle a été chef de l'édition murcienne de 20 minutos et conseillère en communication auprès de la vice-présidence du gouvernement de Murcie (Espagne).